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lundi 10 février 2014
par  Fleuriel Sébastien
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Jacquelin | Jakubowski | Jamar | Jeantet | Jory | Jourdam | Kerbouc’h | Kerivel | Khristova | Kirchberg | Kirov | Klein | Kornig | Krauss | Kubiak | Kuehni |


Jacquelin Anne | Atelier 9, Session D

Mal être au travail. Comprendre les raisons d’un conflit qui oppose un homme à une femme au travail : organisation, reconnaissance et engagement au travail
Dans le cadre d’une thèse qui porte sur la santé au travail, nous cherchons à savoir ce qui permet aux individus de « tenir » au travail. Ainsi, nous nous intéressons au fait que sur un même poste de travail, d’un individu à l’autre, la sensation de « bien-être » ou de « mal-être » au travail n’est pas la même.
Nous constatons que sur un même poste, les travailleurs ne sont pas égaux en termes d’emploi, de rémunération ou de qualification ne sont pas non plus les mêmes : la possibilité d’influencer les relations sociales, ou de transformer les règles et les espaces résulte du travail avec les collègues, de la collaboration avec les instances de régulations de l’entreprise, et enfin, les ressources individuelles qui sont sollicitée.
Dans cette communication, nous prenons l’exemple d’un conflit interpersonnel. Il est pour nous symptôme d’un déni de reconnaissance de la valeur d’une équipe de professionnels. Nous proposons de repenser la question des rôles féminins au travail au regard de la reconnaissance de l’inéquité des traitements et de leur engagement au travail. Nous montrerons qu’à l’origine, il y a une quête de dialogue autour des dysfonctionnements organisationnels et des injustices organisationnelles tenue par un collectif féminin. Il va réussir à faire porter ses revendications par l’ensemble de l’équipe et exposer ses problématiques à l’ensemble des espaces de gestion et d’organisation disponibles dans l’établissement. En réponse, on constate un déni de reconnaissance et de prise en charge de ces dysfonctionnements par les acteurs auxquels les salariés font appel. Il en résulte la montée en puissance d’un mal-être collectif qui finira par atteindre la vie personnelles des salariés, aboutissant à un violent conflit.


Kerivel Aude, Jacquelin Anne | Atelier 1, Session A

Du défaut de reconnaissance des expériences à l’invisibilité dans la présentation de soi : Travail et femmes en situation de vulnérabilité dans les quartiers sensibles
Les chiffres du rapport ONZUS montrent que les femmes vivant dans les quartiers prioritaires sont les premières victimes du chômage . Apparaît alors une population par le biais des statistiques puis des politiques publiques dont elle est la cible : « les femmes des quartiers » zones urbaines sensibles.
La volonté de comprendre ces données nous a amené à interroger les trajectoires de ces femmes et leur rapport à l’emploi. Cet article s’appuie sur une enquête visant à repérer les freins à l’insertion professionnelle de 57 femmes (entre 19 et 60 ans), repérées par les professionnels de l’insertion du territoire comme ne travaillant pas. L’échantillon a été constitué à partir de contacts proposés par les professionnels de l’insertion (Pole Emploi, Maison de l’Emploi, CAF, Maison de quartier, Mission locale, etc.). En amont des entretiens, des entretiens exploratoires collectifs ont été menés avec ceux-ci.
La présentation faite par les professionnels de femmes « très éloignées de l’emploi » est apparue en contradiction avec une majorité de femmes rencontrées occupant un emploi, aussi précaire soit-il. C’est ce paradoxe entre représentation des professionnels « qui appliquent et produisent l’action publique » (Fassin, 2013, p. 16.) et la réalité des situations des femmes rencontrées qui nous a mené à poser la question de l’invisibilité.
Tout en considérant les situations de vulnérabilité de ces femmes, nous avons cherché à voir si des défauts de reconnaissance provenant des organisations d’insertion, du monde du travail, des expériences professionnelles et sociales passées et présentes peuvent expliquer l’invisibilité du travail dans le processus de reconstruction identitaire qui nous est donné à voir lors des temps de présentation de soi. En effet, il semble que les expériences vécues niées, ou dévalorisées, ne facilitent pas la construction d’une identité socialement valorisable et légitime.
Nous allons exposer le grand écart entre la présentation faite par les institutions et la réalité des expériences pas toujours mises en avant par les femmes elles-mêmes. Ainsi, nous verrons que l’invisibilité du travail résulte à la foi du déni de reconnaissance par les tiers et d’un processus d’infériorisation durable marquant les reconstructions identitaires, qui sont le fruit des rapports sociaux imbriqués dans lesquels les femmes rencontrées sont prises.


Jakubowski Sébastien | Atelier 4, Session D

Re-bureaucratisation et normalisation dans le secteur public
Cette communication se propose d’interroger les transformations du travail dans des institutions du secteur public français. Celui-ci rencontre depuis quelques années un processus de rationalisation et de réorganisation conduit principalement sous couvert du dogme du New Public Management (NPM).

Le NPM, dans une perspective managériale gestionnaire, participe de l’introduction de dispositifs de contrôle de l’action et du travail (Bezes) : évaluation des politiques publiques et des agents, systèmes sociotechniques, etc. Cette logique gestionnaire déstabilise les agents du secteur public (Milly) dans la mesure où, davantage centrée sur les outils que sur la finalité, elle leur fait perdre le sens de leur travail et la possibilité de créer de la solidarité par adhésion (Lascoumes et Le Galès).

Alors que le NPM se proposait de « libéraliser » les bureaucraties en y introduisant la logique de marché, il produit au contraire une re-bureaucratisation forte de ces institutions (Hibou) qui s’appuie également sur un processus d’agencisation (Dodds).

Comment se construit désormais l’action collective dans ces univers de travail ? La logique de contrôle gestionnaire a peu à peu dissous les formes induites de solidarité qui pouvaient se construire autour des valeurs et de la culture. Des salariés se retrouvent maintenant aux marges de leur propre institution. Dans un univers plus normalisateur et plus professionnalisé (Boussard, Demazière, Milburn), ceux-ci se concentrent davantage sur la tâche, sur les règles et sur les indicateurs oubliant en cela le fait que le service rendu au public est davantage qualitatif que quantifiable.

Pour rendre compte des logiques de transformation précédemment décrites, trois univers professionnels du secteur public seront principalement mobilisés : l’institution militaire (la gendarmerie nationale), l’enseignement supérieur (les écoles) et la fonction publique territoriale (une intercommunalité).


Jamar David | Atelier 9, Session D

D’une ethnographie des milieux alternatifs à la question des valeurs de production
Sur base d’une ethnographie prolongée à Bruxelles, il s’agit de saisir le rapport entre des activités culturelles et artistiques dites « alternatives » à Bruxelles et la qualification de « travail » qu’elles peuvent parfois revêtir, parfois combattre.
A ce titre, la notion de « marge » s’avère efficace afin d’éviter deux écueils : une définition de ces pratiques et groupes en pure autonomie séparée du monde dit productif et/ou comme pure expression d’un capitalisme cognitif.
Tout d’abord, la production d’actions associatives neuves suppose bel et bien une temporalité en partie dégagée du temps strict de l’activité salariée, sans se confondre pour autant avec les formes « spontanées » d’un bénévolat suppposé « authentique ».
Les parcours de ces activistes supposent plutôt une négociation incessante avec les dispositions régulant le marché de l’emploi : allocations de chômages, statuts d’artistes, contrats de courtes durées, financements de projets associatifs, notamment. C’est par ces incessant aller-et-retour que se font d’ailleurs les carrières activistes.
Ensuite, l’une des modalités de productions de richesses reconnues telles par ces groupes – fabriquer un lieu, une action, une programmation de cinéma, s’allier à de nouvelles thématiques portées par de nouveaux groupes – suppose un ensemble de techniques d’associations et d’évaluations. Ces inventions impliquent bel et bien que fasse partie de ce qu’il y a à inventer les modes internes d’organisations : relevés et modes de répartitions des tâches et de leurs temps, originalité des pratiques de réunion, architecture des lieux de décision, transmission des savoirs aux nouveaux arrivants, distributions hiérarchiques mobiles, organisation des « vacances », répartition interne des revenus, tentatives d’invention d’un occasionnel rapport salarial, organisation de la porosité de groupe nécessaire à l’émergence de nouvelles actions.
C’est par cette organisation que l’on peut saisir la recherche d’énoncés qui concernent les valeurs produites, le salariat lui-même et le devenir sombre des allocations de chômage.


Lafuente Hernandez Sara, Jamar David, Martinez Esteban | Atelier 10, Session B

Le syndicalisme de réseau : une réponse collective au développement de la sous-traitance
La recherche qui fait l’objet de cette communication s’est intéressée à l’expérience du syndicalisme de réseau comme tentative de réponse collective au développement de la sous-traitance.
Le modèle de l’entreprise en réseau mondialisé constitue, en effet, un défi pour les systèmes de relations professionnelles, conçus dans le cadre des Etats-nations, comme une institution du conflit entre un interlocuteur patronal unique et identifiable et des organisations syndicales basées sur une identité statutaire et/ou professionnelle. Précisément, dans l’entreprise « dispersée » par le recours à la sous-traitance, la configuration organisationnelle est dissociée de l’entreprise définie au sens juridique et patrimonial, et des relations de travail triangulaires s’installent de facto.
De nouvelles tensions travaillent les relations professionnelles. Celles-ci sont particulièrement visibles dans le cas de la sous-traitance interne, quand des groupes de travailleurs relevant de différentes entreprises, aux statuts inégaux, et affiliés à différentes centrales syndicales se côtoient sur les mêmes espaces de travail (site ou territoire).
C’est en conséquence un choix raisonné qui nous a conduits à suivre et à analyser les pratiques de coordination syndicale, entre les délégations de l’entreprise principale et des sous-traitants directs, sur le site de la Centrale Nucléaire de Tihange (Begique) et sur le site pétrochimique de REPSOL à Tarragone (Espagne).
Sur le plan méthodologique, une approche qualitative a été adoptée, alliant entretiens individuels, discussions de groupe, observation participante et exploitation de la documentation syndicale.
Le questionnement a porté sur la consistance et les contours d’une notion de « communauté de travail » élargie à la sous-traitance, sur l’action coordonnée des délégués itinérants, le rôle des délégations principales et les rapports avec les instances syndicales, ainsi que sur les modes et les résultats d’une concertation sociale territoriale.


Jeantet Aurélie | Atelier 8, Session A

Les émotions : au centre ou à la marge du travail ?
Le monde du travail, du côté de la rationalité, de la maîtrise, du professionnalisme, se pense comme a-émotionnel. Lorsqu’il est question d’émotions au sein des organisations, ce sont celles des catégories dominées (Roethlisberger & Dickson), qu’il s’agit alors de « civiliser » (Elias), normer.
Ainsi, un « travail émotionnel » (Hochschild) est attendu dans nombre de métiers, en particulier dans les services et typiquement dans le secteur du care, mais pas uniquement. Certaines émotions sont prescrites alors que d’autres sont proscrites, obéissant à des scripts comportementaux très standardisés, comme dans les centres d’appel.
Les catégories dominantes, dont les pratiques et les décisions sont censées être « désaffectivées », prescrivent donc un certain type de travail émotionnel à des travailleurs subalternes, travail qui est peu valorisé, et ce d’autant moins qu’il est prescrit. Ce travail émotionnel est la plupart du temps invisibilisé car considéré comme naturel, émanant de la bonne volonté et de la motivation (par exemple, aimer servir, ce serait forcément le faire avec le sourire).
On peut néanmoins s’interroger sur une autre manière de concevoir les émotions : comme étant subversives. En effet, être touché par une situation, ou par les émotions d’autrui, peut ébranler les stratégies et visions du monde des travailleurs les plus intégrés comme les cadres. Les marges auraient alors des effets sur les centres.
Nous faisons l’hypothèse que la prise en compte des émotions vient questionner les manières dont est organisé le travail et également nos manières académiques de le penser. Loin d’être périphériques ou encore d’être uniquement des ressources mobilisables stratégiquement, les émotions sont en réalité au centre du travail et possèdent une capacité de mise en cause des distinctions classiques nature/culture, raison/émotion, inférieur/supérieur… En éclairant les normes socialement clivantes et hiérarchisantes, elles sont susceptibles de mettre en question les rapports sociaux, la domination se situant aussi sur un plan émotionnel.
Cette communication propose de livrer un état des réflexions relativement nouvelles sur les émotions à partir de la sociologie du travail.


Jory Hervé | Atelier 4, Session A

La production de l’informalité dans les politiques de lutte contre le chômage : le cas de l’insertion par l’activité économique.
S’appuyant sur une enquête au long cours à propos de la mise en œuvre de l’insertion par l’activité économique (IAE), cette communication se propose d’interroger la dimension institutionnelle impliquée dans la construction des rapports d’emploi pour des publics dits fortement éloignés de l’emploi.

La conception bipolaire des conditions d’usage et de mobilisation de la main-d’œuvre, partie prenante de la compréhension du processus plus général de rationalisation du travail, est étayée pour exemple par l’existence de mises en œuvre du travail selon des régimes opposés « travail au noir » versus « travail déclaré », CDI versus CDD, temps complet versus temps partiel…

Or chacun sait par exemple qu’une large partie du « travail au noir » est exercée par des salariés en emploi et c’est précisément le fait qu’ils soient en emploi qui permet entre autre une reconnaissance par autrui des aptitudes. Cet exemple parmi d’autres autorise à penser les liens entre activités formelles et informelles comme n’étant pas univoques. L’intrication des situations rend difficile le maintien d’une représentation opposant centre et périphérie même si selon les secteurs et les organisations selon les logiques marchande et/ou non marchande qui sont mises en avant subsistent des configurations réelles porteuses d’une plus ou moins grande formalisation de l’emploi.

Au-delà de l’activité, nous centrerons notre intérêt sur l’espace des régulations étatiques du traitement du chômage, il s’agira d’analyser les procédures institutionnelles de cette production normative de l’informalité impliquées dans l’IAE. Quelles sont les normes de « l’employabilité » convoquées ? En quoi, paradoxalement, la construction de dispositifs, la mise en place de règles, de prescriptions, d’objectifs assignés aux différents équipements…activent ou désactivent certains rapports entre emploi et travail ?


Jourdam Georges | Atelier 4, Session A

Un nouveau vecteur des marges au centre sur le marché du travail : les emplois d’avenir
Nous avions jusqu’à présent démontré (thèse de sociologie 2009) qu’il s’était mis en place progressivement depuis le milieu des années 1970 un sas entre le monde ordinaire du travail (contrat en CDD et CDI) et le monde ordinaire de l’éducation (formations initiales, qu’elles soient publiques ou privées). Cette nouvelle temporalité, souvent nommée le monde de l’insertion, s’est imposée progressivement dans la vie de la jeunesse et bien au-delà. Aujourd’hui toute personne qui perd son travail et qui a recours aux services de Pôle emploi, des Missions locales ou des PAIO, se retrouve automatiquement immergée dans cette nébuleuse que constitue ce monde de l’insertion. Nous avons convenu de nommer travail virtuel toutes les situations de mise en situation professionnelle qui avaient nécessité l’intervention d’un tiers dans la relation employeur-employé pour que celle-ci se réalise. Cette troisième entité étant le plus souvent constituée par la puissance publique (état, collectivité territoriale, autres…). Celle-ci intervient en apportant un soutien logistique et /ou financier. Nous avons posé une limite dans cette définition du travail virtuel puisque nous avons précisé que lorsque la personne engagée dans ces conditions de travaux spécifiques pouvait acquérir un diplôme qualifiant, elle n’était pas en situation de travail virtuel mais en situation de formation par alternance. L’exemple type dans ce domaine étant le contrat d’apprentissage.

Des activités de travaux virtuels, il en existe de multiples formes. On pourrait dire que ce concept de travail virtuel est polymorphe. Cela peut aller du stage devenu classique d’insertion, aux emplois aidés, en passant dans le passé par les emplois jeunes et autres spécificités qui évoluent au gré des alternances politiques. Aujourd’hui le gouvernement actuel a mis en place depuis le 1er janvier 2013 les emplois d’avenir. Ce nouveau venu sur le marché du travail imposé de façon législative par la loi apporte par ce qu’il contient une nouvelle donne en termes de tentative d’intégration dans le monde ordinaire du travail.

Nous nous proposons dans cet article d’aller à la rencontre des glissements en cours dans les trois mondes que sont le monde ordinaire du travail, le monde ordinaire de l’éducation et le monde de l’insertion. Notre champ d’investigation se focalisera sur le bassin de l’emploi de Cherbourg.


Dalle-Nazébi Sophie, Kerbouc’h Sylvain | Atelier 2, Session D

Les salariés sourds aux prises avec le travail d’organisation
Cette contribution vise à explorer les contraintes et ressources d’un « travail en plus » et invisible, souvent engagé par des salariés sourds pour négocier des conditions satisfaisantes de travail. Il s’agit d’analyser les stratégies heureuses et malheureuses qu’ils expérimentent, permettant de mettre en évidence la complexité silencieuse des logiques de prises de décision et de formes de pouvoir dans les grandes organisations. Nous montrerons que la mise en œuvre pratique des directives de gestion de la diversité, et notamment du handicap au travail, relève d’une offre de service interne aux organisations. Celle-ci dépend d’un travail d’organisation (De Terssac, 2003), collectif et fortement hiérarchisé, déléguant à chaque niveau d’ajustement un ensemble d’injonctions sans nécessairement gérer les contradictions ni identifier les moyens mobilisables (Dujarier, 2006). Il revient alors aux équipes concernées, et le plus souvent, aux salariés sourds eux-mêmes, de réaliser les arbitrages et bricolages nécessaires. Concrètement, ils sont amenés à reconstruire un environnement de travail contournant l’absence d’accès aux alarmes sonores comme à ce qui se dit dans les espaces formels d’information. Mais ils peuvent chercher à transformer plus radicalement leur cadre de travail, en négociant le fonctionnement des équipes et en essayant de mobiliser différents services ou outils (interprètes français-langue des signes, transcripteurs, visiophone, etc.). Ils cherchent alors les référents en matière de gestion de la diversité pour relayer leurs demandes, et, à défaut, tentent de prendre part au travail de traduction des directives générales en orientations pratiques. Pris ainsi à rebours, ce travail d’organisation se donne à voir sous la forme de knotworking (Engeström, 2008), relevant d’un travail complexe de mise en réseau de personnes appartenant à des systèmes d’activité différents, souvent éloignées dans l’espace, et faiblement connectées entre elles.


Kerivel Aude, Jacquelin Anne | Atelier 1, Session A

Du défaut de reconnaissance des expériences à l’invisibilité dans la présentation de soi : Travail et femmes en situation de vulnérabilité dans les quartiers sensibles
Les chiffres du rapport ONZUS montrent que les femmes vivant dans les quartiers prioritaires sont les premières victimes du chômage . Apparaît alors une population par le biais des statistiques puis des politiques publiques dont elle est la cible : « les femmes des quartiers » zones urbaines sensibles.
La volonté de comprendre ces données nous a amené à interroger les trajectoires de ces femmes et leur rapport à l’emploi. Cet article s’appuie sur une enquête visant à repérer les freins à l’insertion professionnelle de 57 femmes (entre 19 et 60 ans), repérées par les professionnels de l’insertion du territoire comme ne travaillant pas. L’échantillon a été constitué à partir de contacts proposés par les professionnels de l’insertion (Pole Emploi, Maison de l’Emploi, CAF, Maison de quartier, Mission locale, etc.). En amont des entretiens, des entretiens exploratoires collectifs ont été menés avec ceux-ci.
La présentation faite par les professionnels de femmes « très éloignées de l’emploi » est apparue en contradiction avec une majorité de femmes rencontrées occupant un emploi, aussi précaire soit-il. C’est ce paradoxe entre représentation des professionnels « qui appliquent et produisent l’action publique » (Fassin, 2013, p. 16.) et la réalité des situations des femmes rencontrées qui nous a mené à poser la question de l’invisibilité.
Tout en considérant les situations de vulnérabilité de ces femmes, nous avons cherché à voir si des défauts de reconnaissance provenant des organisations d’insertion, du monde du travail, des expériences professionnelles et sociales passées et présentes peuvent expliquer l’invisibilité du travail dans le processus de reconstruction identitaire qui nous est donné à voir lors des temps de présentation de soi. En effet, il semble que les expériences vécues niées, ou dévalorisées, ne facilitent pas la construction d’une identité socialement valorisable et légitime.
Nous allons exposer le grand écart entre la présentation faite par les institutions et la réalité des expériences pas toujours mises en avant par les femmes elles-mêmes. Ainsi, nous verrons que l’invisibilité du travail résulte à la foi du déni de reconnaissance par les tiers et d’un processus d’infériorisation durable marquant les reconstructions identitaires, qui sont le fruit des rapports sociaux imbriqués dans lesquels les femmes rencontrées sont prises.


Khristova Andreana | Atelier 3, Session B

Services d’aides à domicile : vers l’émergence de marchés professionnels ?
La présente réponse s’appuie sur les résultats d’un contrat de recherche mené pour la DREES-MiRE sur le thème « Qualité de l’aide au domicile des personnes fragiles » (2009-2011). Située dans le champ des services à la personne, l’étude cible plus particulièrement les intervenants au domicile des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées (bénéficiaires de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie). Considéré par les pouvoirs publics comme un secteur de « gisement d’emplois », il est utile de s’interroger sur la spécificité de ces emplois, leurs caractéristiques et gestion par les organismes employeurs.
En nous appuyant sur les approches en termes de segmentation du marché du travail, nous chercherons à savoir s’il y a ou non émergence de marchés professionnels et à identifier et caractériser les formes de reconnaissance des qualifications (formelles et informelles) des aides à domicile. Pour ce faire, nous interrogerons les pratiques de recrutement, de formation et de gestion de la main-d’œuvre, mais aussi d’organisation du travail dans les structures prestataires-mandataires d’aide à domicile, lucratives et non lucratives. La reconnaissance sera saisie au sens large à la fois par les critères classiques (salaire, statut, formation, emploi, carrière) et par des critères subjectifs d’appréciation (relation avec les usagers-clients, considération, relation avec l’employeur…).
La méthode privilégiée combine plusieurs approches empiriques. Sur un échantillon représentatif de 12 structures, des entretiens semi-directifs ont été réalisés à trois niveaux : auprès des dirigeants des organismes associatifs et commerciaux, auprès des encadrants (des responsables de ressources humaines et des responsables de secteurs, statutaires ou faisant fonction), et enfin, auprès intervenants des services d’aide à domicile. Ces entretiens ont fait l’objet d’une analyse qualitative consolidée par l’analyse des résultats des rapports d’activité.


Kirchberg Irina | Atelier 9, Session C

Être créateur. Entre accomplissement de soi et sale boulot
En l’absence de critères univoques d’appartenance à la catégorie « artiste » cette profession a, de longue date, résisté à son recensement (R. Moulin et J. C. Passeron, 1986, Menger, 2005) et à son étude sociologique. Cette résistance n’est certainement pas sans lien avec l’aura de génie historiquement brandie par les artistes pour repousser les velléités d’enquête des chercheurs issus des sciences sociales. Les travaux produits ces dernières années (Becker, 1985, Buscatto, 2008, Villagordo, 2011) ont largement sorti le « travail artistique » de sa marginalité au regard des recherches produites dans ce champ. À la suite de ces chercheurs nous nous demanderons quelles sont les façons d’ « être créateur » aujourd’hui. Le cas des compositeurs qui, en offrant leurs services aux équipes sportives ou aux agences publicitaires, se retrouvent à exercer leur métier aux marges des mondes de l’art nous fournira l’occasion de répondre de façon originale à cette question. À partir de l’analyse d’entretiens menés avec ces compositeurs et leurs employeurs nous mettrons l’accent sur la position inconfortable qui place ces musiciens à l’intersection de plusieurs marges. Entre le régime de l’art et celui du métier (Buscatto, 2004, Perrenoud, 2007, 2012), nous montrerons que les rapports entretenus par ces acteurs avec les groupes étudiés (coopération, négociation, autorité) tendent à valoriser ou, au contraire, nier et invisibiliser leur présence et leurs actions artistiques. N’étant pas complètement partie prenante de la « sphère artistique » mais n’acceptant pas non plus l’ensemble des règles et des contraintes des groupes professionnels qui les emploient ces artistes oscillent, dans leurs discours, entre un registre vocationnel valorisant l’« accomplissement de soi » auquel ils parviennent (Sapiro, 2007) mais font également état du « sale boulot » (Hughes, 1996) qui leur incombe.


Kirov Vassil | Atelier 6, Session A

Le travail dans les services, le rôle des clients et les nouvelles marginalisation
Au cours des dernières années, le concept des relations triangulaires dans les services devient de plus en plus populaire (Gadrey 1992, Leidner 1996, Korczynski 2009), même si il ya quelques critiques de cette spécificité du travail de service (Bélanger et Edwards 2013). Toutefois, pendant ces deux dernières décennies, il ya des preuves que l’Etat se transforme peu à peu d’un « employeur » à un « client » qui achète des produits et services auprès de fournisseurs privés. Dans certains pays européens ces achats sont déjà plus importants que le coût salarial des fonctionnaires (OCDE 2011). Dans le même temps les entreprises privées ont continué à externaliser nombre de services et activités afin de se concentrer sur leurs activités de base. L’objectif de la proposition de communication est d’étudier le rôle des clients dans les services ‘ancrés’ (‘anchored’)(tels que la restauration collective, le nettoyage des bureaux, la collecte des déchets, le care, etc.) fournis aux clients institutionnels dans nombre de pays européens pour la qualité du travail et les processus de marginalisation. Les stratégies de réduction des coûts des entreprises ou des institutions d’Etat, renforcées par l’évolution des réglementations (nationales et européennes) et des pratiques de passation des contrats et marchés publics sont des susceptibles d’être exacerbées par des mesures d’austérité dans le cadre de la crise actuelle. Les résultats présentés sont principalement des études de cas d’entreprises réalisées dans plusieurs pays européens dans ces quatre secteurs et ainsi que des entretiens avec les partenaires sociaux au niveau national et européen (dans le cadre du WALQING, projet européen comparatif de la 7ème programme-cadre de l’UE, impliquant des organismes de recherche et universités dans 11 pays - www.walqing.eu). L’analyse est axée sur les impacts des clients sur l’emploi, les aménagements du temps de travail et le processus de « professionnalisation » et les mécanismes de productions de marginalités. Les stratégies des partenaires sociaux des afin de compenser ces effets négatifs sont également examinés (généralisation de la négociation collective, des initiatives concrètes de syndicats, etc.).


Klein Nicolas, Benedetto-Meter Marie | Atelier 4, Session C

Quand mettre le client au centre, c’est mettre la relation client à la marge. Paradoxe des indicateurs de satisfaction client.
Nombre d’entreprises se présentent aujourd’hui comme étant « orientées » ou « centrées client », signifiant par là que leur organisation serait pensée pour répondre aux attentes et demandes du marché. De nombreux travaux en sociologie de la relation de service ont montré comment cette « orientation client » se fonde sur des dispositifs normatifs qui formalisent les activités en contact avec la clientèle (Weller 2012, Ughetto 2006). Ces évolutions ont eu pour effets notamment de favoriser l’emprise du marketing sur les directions commerciales ou techniques, en érigeant une « figure du client » modélisée, idéalisée, qui occulte la singularité des clients « réels », ainsi que les formes d’interactions avec des professionnels de la relation de service (Neuville, 1995 ; Tiffon, 2013 ; Benedetto-Meyer, 2012).
Nous proposons ici, dans le prolongement de ces travaux, de nous intéresser à l’apparition récente de nouveaux indicateurs de satisfaction client (le Net Promoter Score ou NPS) dans une grande entreprise de service. Au travers d’une série d’entretiens réalisés auprès des concepteurs de ces indicateurs, de leurs promoteurs dans différentes entités, et de conseillers clients (évalués et rémunérés aujourd’hui à l’aune de ces nouveaux indicateurs), nous montrerons, dans une perspective classique en sociologie de la gestion (Maugeri, 2006), la manière dont ces outils, loin de servir à comprendre les ressorts de la satisfaction de la clientèle, servent davantage à s’assurer du respect de différentes étapes de la relation entre les clients et l’entreprise, prévues dans les procédures (nommées « parcours client »). Or, assimiler la satisfaction des clients à l’efficacité du traitement organisationnel de leur demande revient à occulter certaines pratiques réelles du personnel commercial, qui sont du registre de l’informalité.
On montrera alors comment l’évolution des dispositifs gestionnaires fait également évoluer les frontières entre centre et marge. En effet, l’intégration des indicateurs de satisfaction client dans l’évaluation et la rémunération des conseillers clients pourrait signifier que la satisfaction est au centre des préoccupations managériales. L’étude montre sur ce point, à l’inverse, que ces dispositifs contribuent à occulter, nier certains pans de l’activité du salarié, qui sont difficilement formalisables, mais visent pourtant, eux aussi la satisfaction des clients.


Belkacem Rachid, Kornig Cathel, Michon François | Atelier 10, Session B

Freins et enjeux de la syndicalisation des intérimaires
L’intérim est une forme d’emploi et un secteur d’activité emblématiques des transformations actuelles des organisations productives. La syndicalisation des intérimaires est en ce sens une question clé. On s’appuie ici sur une enquête exploratoire auprès de responsables syndicaux.
La durée moyenne d’une mission d’intérim est très courte, les changements de lieu de travail très fréquents. Cela ne favorise ni une quelconque mobilisation des intérimaires ni la visibilité-même des syndicats aux yeux de ces personnels. Se syndiquer, se lancer dans une activité revendicative comportent des risques importants. Particulièrement pour les intérimaires : la sanction peut être immédiate (ne plus avoir de missions).
Les pratiques syndicales elles-mêmes doivent être interrogées. 1° Les revendications, sans doute trop centrées sur la défense des salariés permanents, gardent un flou certain sur les objectifs mêmes des luttes (défendre les droits des intérimaires et des précaires et/ou défendre l’emploi - sous entendu permanent) et sur les modes d’action capables de mobiliser les intérimaires et plus généralement les précaires. 2° L’organisation des syndicats (largement centrée en France sur le secteur d’activité ou les grands groupes professionnels) paraît peu adaptée à la position des intérimaires entre leur(s) agence(s) d’intérim et leur(s) entreprise(s) utilisatrice(s). 3° L’intérim ne relève pas des mêmes règles que les autres salariés, permanents ou temporaires. Cela exige des syndicalistes des compétences juridiques spécifiques. Les représentants syndicaux expriment clairement le besoin d’une formation plus adaptée à ce droit du travail complexe.
Quelques pistes d’action peuvent contribuer à débloquer ces limites. Outre ce besoin de formation, une organisation en réseau, plus territoriale, un meilleur appui sur les permanents des agences et les intérimaires dits « professionnels »…


Bidart Claire, Kornig Cathel | Atelier 7, Session D

Normes, variations et bifurcations. Analyse de figures et de trajectoires de référence au long de parcours d’insertion professionnelle
Les parcours d’insertion professionnelle ne s’inscrivent pas forcément dans des trajectoires « probables » ou « prévisibles » au regard du diplôme ou de la hiérarchie des métiers. Certains s’en écartent par des cheminements « atypiques » ou « imprévisibles ». Les réorientations semblent s’être multipliées au cours des dernières décennies, sans doute en réponse aux difficultés croissantes des marchés du travail et de l’emploi, mais aussi au regard de la diversification des modes de vie.
Quitter un emploi stable, choisir un emploi moins qualifié que le précédent, changer de branche, autant de bifurcations qui réinterrogent les conditions sociétales qui balisent ces parcours, mais aussi les normes à l’œuvre dans les processus de décision. Une enquête qualitative longitudinale par panel qui suit une cohorte de jeunes sur 12 ans permet d’examiner « à la loupe » et dans une véritable diachronie les changements d’orientation, objectifs et subjectifs, que connaissent leurs parcours professionnels (ANR 09BLAN-0301-01 BIPAJE). Les décisions prises lors de ces moments-clés mobilisent des références normatives. Les projections individuelles ne se construisent pas de façon isolée, mais dans le cadre d’une société qui offre aux jeunes différents modèles de réussite professionnelle et sociale. L’analyse des entretiens de ce panel a ainsi permis de dégager des types-idéaux de « figures de référence » (l’image de soi en travailleur) et des « trajectoires de référence » (le chemin à emprunter pour y parvenir) qui se montrent récurrentes. La norme de l’emploi stable dans lequel le salarié gravit les échelons n’est pas la seule en œuvre, loin s’en faut. Les changements analysés sous cet angle des figures et trajectoires de référence montrent que les jeunes s’inscrivent dans des systèmes de normes multiples et parfois complexes. Celles-ci sont parfois concurrentes, ou encore successives, mais restent légitimées socialement et ne relèvent pas d’une irréductible singularité.


Krauss Gerhard, Boutillier Sophie | Atelier 3, Session D

L’entrepreneuriat féminin dans les mutations de la société salariale : crise de l’industrie et émergence d’entreprises dans l’agglomération dunkerquoise (Nord-France)
La création d’entreprise est depuis plus de trente ans un sujet d’actualité majeur. Face à l’augmentation du chômage, elle représente une alternative à l’emploi salarié pour accéder un marché du travail. En effet, une majorité des créateurs d’entreprises d’aujourd’hui se compose de personnes connaissant des discontinuités ou difficultés sur le marché du travail. Cet aspect a été peu abordé dans les travaux sociologiques portant sur la création d’entreprise. Les problématiques intéressant les sociologues en premier, dès les années 1980, concernaient l’entrepreneuriat ethnique, la création d’entreprise par des minorités et/ou immigrés, l’influence du réseau de la communauté, ainsi que la mobilisation du réseau personnel par l’entrepreneur pour réussir son affaire.
En revanche, il manque aujourd’hui des recherches sociologiques analysant la création d’entreprise comme processus de construction d’une reconnaissance sociale, plus précisément pour des catégories d’individus se trouvant dans une situation professionnelle incertaine et instable, à la marge du cœur du marché du travail, manquant de visibilité et de reconnaissance sociale.
Afin de combler cette lacune, nous étudierons une catégorie particulière d’individus aux marges du travail et de l’emploi, celle des femmes entrepreneures vivant dans une agglomération anciennement industrialisée (Dunkerque) qui sont en majorité issues d’un milieu ouvrier. Depuis le début des années 1960, l’économie dunkerquoise s’est développée sur un emploi salarié et ouvrier, principalement masculin et peu qualifié. La crise de l’industrie lourde, qui débute à la fin des années 1970, remettra fondamentalement en question cette dominance de l’emploi masculin et contribuera à donner aux femmes un nouveau rôle économique et social dans le secteur tertiaire émergeant.
Nous interpréterons ce processus de visibilisation de l’activité féminine comme émergence de nouvelles institutions, processus qui ne peut être compris sans prendre en compte la trajectoire des institutions existantes et l’histoire socio-économique de la région. Ce processus en cours est encore fragile, malléable, ouvert et reste incertain concernant ses aboutissants à venir.


Kubiak Julien | Atelier 2, Session D

La prévention des risques professionnels en entreprise : une activité professionnelle condamnée à l’invisibilité ?
La prévention des risques professionnels est l’affaire de tous ! Ce message affiché depuis des décennies sur les murs des entreprises contient l’une des données du problème de la reconnaissance du travail des professionnels de la prévention. Comment reconnaitre et évaluer le travail de prévention des accidents et maladies professionnelles si ce dernier est l’affaire de chacun des travailleurs ? Cette communication propose, à partir d’une observation participante de longue durée à la SNCF, d’identifier les processus qui contribuent à visibiliser et invisibiliser le travail des préventeurs. Dans un premier temps, j’exposerai les problèmes de définition qui sont les premiers obstacles à la reconnaissance d’une identité professionnelle de « préventeur ». Je reviendrai pour cela sur l’histoire des politiques de sécurité du personnel à la SNCF et sur les motivations de l’entreprise à professionnaliser cette activité. Dans un second temps, je montrerai comment le travail de prévention s’est progressivement décomposé en trois dimensions offrant chacune des espaces de reconnaissance spécifiques.
Dans la dimension bureaucratique, la reconnaissance du travail de prévention se joue à travers la capacité des professionnels à maîtriser les évolutions réglementaires et juridiques en vue de répondre à l’obligation de résultat qui pèse sur l’employeur. Les outils de gestion mis en place à la SNCF pour évaluer et contrôler les efforts en matière de prévention participent aussi à l’évaluation des dirigeants. La reconnaissance du travail des préventeurs passe d’abord par une mise en conformité des installations et des documents de travail. Il s’agit également d’influer sur l’indicateur prégnant du système de prévention : le nombre d’accidents du travail.
Dans la dimension politique, la reconnaissance du travail du préventeur se mesure à sa capacité à prévenir les risques de droit d’alerte, droit de retrait ou débrayage en lien avec les conditions de travail. Ce travail repose sur une lecture minutieuse des rouages des relations sociales dans l’établissement.
Le troisième et dernier espace dans lequel se joue la reconnaissance du travail de prévention se situe au plus près des agents et des collectifs de travail. Il s’agit de la promotion des savoirs de prudence, des mécanismes de coopération et de solidarité. Je lui donne l’appellation de dimension « terrain » pour signifier l’éloignement des dimensions précédentes vis-à-vis du travail réel.
En raison de la montée en puissance des risques bureaucratiques et politiques associés à la santé et la sécurité au travail dans une SNCF en mutation, la prévention de terrain s’efface et paye le prix de son invisibilité.


Kuehni Morgane | Atelier 8, Session D

Les expériences du travail assigné dans le cadre du chômage en Suisse
La « mise au travail » des indigentes valides traverse toute l’histoire des sociétés occidentales. Si la problématique n’est pas récente, elle prend cependant un nouveau visage du fait de l’introduction des « politiques d’activation ». Si une nouvelle figure de travailleur/euse est bel et bien identifiée dans la littérature sociologique, notamment sous les termes de « travailleur précaire assisté » (Paugam & Martin, 2009), peu de travaux se sont penchés sur les conditions concrètes de travail des personnes qui oeuvrent dans le cadre des dispositifs étatiques. Les situations de travail, les conditions dans lesquelles il est exécuté, le sens dont il est investi par les individus demeurent aujourd’hui des angles morts de la recherche.
Partant d’une enquête empirique auprès de personnes assignées à un emploi temporaire dans le cadre du chômage en Suisse, je propose dans cette contribution de présenter une typologie des « expériences de l’assignation ». La notion d’expérience est heuristique pour rendre compte des (dis)similitudes d’un temps d’assignation parce qu’elle comporte d’emblée un double sens : elle est à la fois une épreuve instituée, mais elle est aussi et dans le même temps, une épreuve phénoménologique. L’assignation est le plus souvent imposée par un système spécifique d’indemnisation du chômage, qui fait de l’activité de travail en emploi temporaire une contrepartie exigible des prestations. Elle est structurée par une série de cadres institutionnels (modalités contractuelles) et moraux (objectifs de réinsertion, voire de réadaptation) dont les individus s’accommodent plus ou moins bien. Il s’agira donc de dérouler les 4 idéaux-types issus de l’analyse de mon matériel empirique (35 entretiens semi-directifs) pour rendre compte de la manière dont les individus intériorisent les contraintes spécifiques de l’assignation, en (ré)interprètent le sens et aménagent des modes d’appropriation ou de traductions pour les intégrer dans leur trajectoire de vie.


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vendredi 27 juin 2014

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